Colloque Plurimaths, décembre 2022
30 nov.-1 déc. 2022 Paris (France)
Les reformulations en bamanankan-L1 dans les séquences de sciences d'observation en français-L2
Mahamadou Siaka Doumbia  1, 2@  
1 : Savoirs, Textes, Langage (STL) - UMR 8163
Université de Lille, Centre National de la Recherche Scientifique : UMR8163
2 : Mahamadou Siaka Doumbia

Inscrite dans l'axe des pratiques multilingues de classe, cette communication étudie les reformulations en bamananankan- L1 extraites des séquences de sciences d'observation dispensées en français-L2 à l'école primaire malienne.

L'étude de la reformulation attire la communauté scientifique depuis plusieurs années grâce probablement à son rôle révélé bénéfique dans des analyses conversationnelles plurilingues (Baraldi & Gavioli, 2014 ; Traverso, 2017) et didactiques bi-plurilingues (Borel & Gajo, 2011 ; Causa, 2007 ; Steffen & Borel, 2011). Ces études ont permis une avancée considérable dans la description des structures des reformulations plurilingues. Les chercheurs en didactiques bi-plurilingues les décrivent selon les différents niveaux d'alternance de langues. La classification des alternances de langues distinguant l'alternance constative de l'alternance d'appui (Causa, 2003, 2007) offre un puissant outil d'analyse des reformulations. Le phénomène d'alternance s'appuie semble s'opérer dans des situations de « bascules non planifiées d'une langue vers l'autre » (Gajo, 2015). Ces situations aboutissent souvent à des séquences de reformulation se confondant avec celles de traduction, ce qui amène à analyser les problèmes de frontières et de délimitation, très complexes, entre activités de reformulation et traduction. Par ailleurs, l'alternance chez les élèves dans des situations scolaires plurilingues relève des stratégies plurilingues implicites alors qu'il peut s'agir des stratégies plurilingues explicites chez le maitre (Berthoud, 2013). Toutes ces deux stratégies offrent au locuteur « plusieurs voies d'accès aux concepts et aident à les catégoriser ». Elles donnent lieu toutes les deux à des reformulations unilingues comme interlingues, raison pour laquelle notre discussion vise les reformulations en bamanankan chez le maître. Ces reformulations ont la particularité d'être produites grâce au « bonus bilingue » qui circule dans la classe (Steffen, Borel, 2011). Elles sont réalisées dans une langue supposée absente théoriquement au sein de la discipline concernée. De telle problématique nous amène à poser quelques questions. Quelles frontières entre reformulation et traduction dans les interactions scolaires bilingues ? Comment les moments de bascules de L2 vers L1 sont-ils exploités par l'enseignant ? Ces alternances séquentielles sont-elles déclenchées autour des mêmes objets de savoirs chez les enseignants ? À quelle construction de savoirs donnent-elles lieu ?

 Notre analyse s'appuie sur un corpus constitué de séquences de cours de sciences d'observation dispensées en français. Elles ont été filmées dans des classes de 4e année à curriculum bilingue au Mali. Dans ce contexte, les sciences d'observation s'inscrivent dans la discipline mère Sciences étudiant l'être vivant et son environnement, les instruments et appareils à usage simple ainsi que les sources et formes d'énergie. Comparativement aux curricula français dans les cycles 2 et 3, ce domaine de formation correspond relativement à celui des « Sciences et Technologie » du socle commun de connaissance dans lequel on retrouve les thèmes de « Systèmes naturels et techniques », « Questionner le monde », « Matériaux et objets techniques », « Planète Terre, les êtres vivants dans leur environnement ». Par ailleurs, le français, bien qu'étant la principale langue de scolarisation au Mali et formant un binôme avec chacune de 13 langues nationales, n'est pratiqué par les élèves qu'à l'école, voire uniquement dans les salles de classe. Les enseignants observés, au nombre de 12, ont chacun 5 à 20 ans d'expérience. Sur un nombre total de 24 séquences recueillies, nous exploitons ici 12 séquences, soit une séquence par enseignant. À l'aide du logiciel CLAN, ces vidéos sont transcrites et soumises à diverses analyses textuelles (Bardin, 1977). Le résultat montre les spécificités des activités de traduction et de reformulation dans le cadre des interactions scolaires bi-plurilingues. Les moments de bascules et des méso alternances semblent se décider au moment même de l'intervention pédagogique chez la plupart des enseignants. Ils sont déclenchés autour d'objets similaires de savoirs, mais donnent lieu à la construction des connaissances variées et complexes.

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Berthoud, A.-C. (2013). Vers une science polyglotte. Cahiers du Centre de Linguistique et des
Sciences du Langage, 36, 25‑44. https://doi.org/10.26034/la.cdclsl.2013.607

Causa, M. (2007). “ L'indispensable alternance codique ”. Le Français dans Le Monde.
https://hal.archives-ouvertes.fr/hal-02044127

Gajo, L. (2015). 10. Ruptures, bascules et tensions : Travail métalinguistique et outils
plurilingues. In Agir dans la diversité des langues (p. 153‑170). De Boeck Supérieur.
https://doi.org/10.3917/dbu.jquin.2015.01.0153

Steffen, G., & Borel, S. (2011). Les activités de reformulation dans et pour la conceptualisation
des savoirs scientifiques. Passages du monolinguisme au bilinguisme. Cahiers de
l'ILSL, n° 30, 145‑164.

Traverso, V. (2017). Formulations, reformulations et traductions dans l'interaction : Le cas de
consultations médicales avec des migrants. Revue Francaise de Linguistique Appliquee,
22, 147‑164. https://doi.org/10.3917/rfla.222.0147


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